IL faudrait bien lire entre les lignes des dernières déclarations de Imed Hammami, leader démissionnaire d’Ennahdha. Au-delà de certaines révélations, certes attendues et qui ne sont pas difficiles à deviner, des jugements aussi sur la marche et la gestion du parti, dont il s’est franchement démarqué, les mots, les sous-entendus utilisés sont clairs. Selon lui, le mouvement islamiste n’a plus d’avenir parce que, tout simplement, il est dirigé par Rached Ghannouchi.
En effet, l’image du parti telle qu’elle est véhiculée aujourd’hui pâtit beaucoup des dérives dans lesquelles il est entraîné et dont les principaux dirigeants assument visiblement une grande partie. Il est d’ailleurs difficile de ne pas réagir devant le spectacle d’un environnement dans lequel les dérapages dominent et semblent n’obéir qu’aux règles de ceux qui n’ont plus rien à apporter au parti. Une façon de reconnaître l’échec de ceux qui se sont érigés en décideurs, qui se cachent derrière les alibis et les polémiques inutiles et qui sont incapables de tirer le parti vers le haut et lui donner de la grandeur. Ceux-là mêmes qui ne s’arrêtent même pas lorsqu’ils réalisent qu’ils sont sur le point de déborder.
Mais il n’y a pas que cela : le tort d’Ennahdha réside dans le fait qu’il n’a pas suffisamment évolué. Le constat n’est pas anodin, puisque le modèle partisan préconisé est affecté par des considérations qui n’ont plus vraiment de rapport direct, pas seulement avec le nouvel ordre politique, mais surtout avec la réalité et les aspirations des Tunisiens. Le constat n’est pas sans importance puisque le registre socioéconomique n’a jamais fait partie des priorités absolues du parti. Sa responsabilité dans la situation actuelle de la Tunisie est totalement engagée dans la mesure où il ne s’est jamais inquiété de ce qui se passe ici et là. Même pas pour le calvaire vécu par beaucoup de ses sympathisants.
On ne sait pas aujourd’hui ce qu’il adviendra du parti, même si Imed Hammami affirme qu’il n’a pas d’avenir. Mais d’une étape à l’autre, d’une épreuve à l’autre, l’on se rend compte de plus en plus qu’il n’est plus dans son meilleur élément. Cela se reflète sur la manière avec laquelle il est dirigé. A aucun moment, en tout cas, il ne fait croire qu’il est en train de se réhabiliter. En même temps, l’on ne saurait, non plus, s’interdire de regretter tout ce qui aurait dû s’accomplir si le travail de remise en cause et de rétablissement de valeur avait été entamé bien auparavant.
Une chose est sûre: on ne se débarrassera pas ainsi de tant d’accumulations et de tant de défaillances…Ce n’est pas un blâme, mais c’est un constat qui peut se transformer en règle absolue si Ghannouchi et son clan ne réagissent pas.
Le temps commence à paraître long, mais surtout contraignant, et le gâchis est tellement stigmatisé que le risque d’être perçu de nouveau comme défaillants peut constituer un danger énorme pour l’avenir du parti.